"J’ai dû sevrer mon bébé malgré moi, mais je n’avais rien de mieux à faire"

29 septembre 2022

Par Marina, 32 ans, 2 enfants

L'allaitement a toujours été un gros sujet pour moi.
Ayant perdu ma propre mère assez jeune, je trouvais dans l’allaitement un moyen de compenser ce manque en quelque sorte. Et depuis le test de grossesse positif, j’étais partie bille en tête dans l’idée d’allaiter jusqu'à la dernière goutte.

Mon premier enfant a été allaité jusqu'à ses 16 mois. Beaucoup parlaient d’un allaitement “prolongé”, moi j’étais déçue de devoir “déjà” arrêter cette aventure. Mais pour cause : j’étais alors enceinte de mon 2e enfant, et après 3 mois de mix grossesse+allaitement, mon corps me hurlait d’arrêter. Avec l’hyperémèse gravidique en prime.
Du coup quand mon 2e enfant est arrivé, j’ai voulu mettre le paquet.
Même si j’ai repris le boulot assez rapidement, je voulais que ça marche. Alors je tirais mon lait sur mes pauses (dans les toilettes).
Le soir, devant la TV, je tirais mon lait.
Dès que j'avais une minute, je tirais mon lait.
Tétée à la demande, jour et nuit. Je profitais des week-ends pour “relancer la machine” et tisser toujours un peu plus le lien subtile qui s’établit entre une maman et un bébé au sein.

Pendant les 8 mois où j'ai allaité mon petit deuxième, j’ai allègrement jonglé entre sur-production, engorgement et canaux lactifères bouchés... Ces moments où, en larmes et fébrile, tu essayes tous les moyens pour te soulager, que rien n’y fait, que tu as mal, que tu ne dors plus…

Et quand ô miracleça se débouche, tu te dis que jamais, non plus jamais, tu ne souffriras comme ça. Et finalement ça arrive 2, 3 fois jusqu’à finir aux urgences avec le regard de mon mari, plein de questions, plein de doutes. Il savait comme l’allaitement était important pour moi et s'interdisait de me confronter sur le sujet. Mais le regard était là.

Et puis un jour j’ai dû m'absenter. Un EVJF de 4 jours à l’étranger qu’il n’était pas question de manquer : après 2 grossesses enchainées et une vie à 200 à l’heure, j’avais aussi besoin de souffler, de me retrouver et de prendre ce temps pour moi. Largement encouragée par mon mari et mon entourage, j’ai donc fait mes valises. Et blindé le frigo de lait maternel - plus une boîte de lait en poudre “au cas où”. On n’est jamais trop prudent quand on est maman…

Après ce séjour, mon mari est venu me chercher à l’aéroport avec mon fils. Dès que je l’ai vu, je me suis précipitée pour lui donner le sein. Et là s’est passé le crève-cœur ultime : il n’a pas ouvert la bouche. Il a levé la tête vers moi, il a souri. J’ai senti son petit souffle sur mon téton nu, mais rien. Coup de poignard dans les entrailles…
Qu’à cela ne tienne, quand il aura faim, il tètera ! Si besoin avec grand renfort de peau à peau, et de cododo… Mais non. La nuit venue, il a hurlé, hurlé, hurlé... il m’a même mordu ! On a tenu une nuit, deux nuits… (la journée, il recevait du lait au biberon chez la nounou, que je tirais inlassablement aux toilettes du boulot).
Et puis une énième nuit, mon mari s’est levé, a quitté la chambre. Il est revenu quelques minutes après avec un biberon de lait “en poudre”, qu’il m’a tendu, avec ce regard qui voulait tout dire. Bébé a bu le biberon cul sec, et s’est endormi, en paix.
Et nous aussi, en paix. En paix avec nous-même, en paix avec nos choix.
J’avais donné tout ce que je pouvais pour que cet allaitement dure le plus longtemps possible… Mais finalement, il ne fallait pas que ce soit au détriment de moi-même. Car la femme a besoin d’être bien dans sa peau, pour être une maman épanouie. Et tout ça commençait à me rendre zinzin...
Tirer mon lait dans les toilettes en guise de pause déjeuner,
Pleurer sur des mastites à répétition
Me priver de moments “à moi” de survie psychologique
Le sommeil…

Alors oui, l’allaitement, c’est chouette. C'est beau. C'est indéfinissable. Une vraie aventure humaine, au-delà des bienfaits incontestables sur la santé du bébé et de la maman. C’est important d’allaiter, je pense, mais autant que cela est possible et sans que ça ne devienne aliénant. La parentalité doit se vivre dans le bonheur et pas dans la souffrance. Et si ça doit passer par le biberon… ainsi soit-il !