"La dyspraxie, le jour où j'ai mis un nom sur le handicap invisible de mon enfant"

29 septembre 2022

Trouble de la coordination, gestes désordonnés, attention perturbée, retard de langage, difficultés à s'habiller, se laver, manger seul au-delà d'un certain âge... Certains comportements chez nos enfants peuvent nous faire tiquer... et pousser à consulter. C'est ce qu'a fait Célianne, ce qui lui a permis de mettre un nom sur le handicap caché de son fils Henri : la dyspraxie.

Henri était mon premier enfant, donc forcément, on manque toujours de recul et d’éléments de comparaison. Personnellement, je ne m’étais jamais alertée sur le fait qu'il avait horreur de dessiner et de jouer aux Duplo. Tous les enfants sont différents, parait-il. Lui, il aimait les livres, surtout. La petite section de maternelle s’est passée moyennement bien. Il était très angoissé et replié sur lui-même, et un trouble du langage : il bégayait. L’axe de travail de la maîtresse avait surtout été de le "socialiser" et de le mettre en confiance. Du coup, je n’avais eu aucune alerte sur sa "motricité fine" à ce moment-là, n’étant pas la priorité.

Célianne, maman de Henri

Mettre des mots sur la dyspraxie

Il s’agit en fait d’un dysfonctionnement cérébral qui peut toucher l'enfant dès la naissance. Handicap qui n’est lié à aucun déficit affectif, psychologique ou intellectuel, la dyspraxie peut passer inaperçue pendant des années, jusqu’à que l’enfant rentre à l’école maternelle.

Il existe 2 types de dyspraxie :

  • Développementale : quand l'enfant développe ce trouble à cause d’une anomie du cerveau non repérée à la naissance, et pas du tout expliquée.
  • Lésionnelle : c’est ce qui arrive dans 50% des cas de dyspraxie. Le trouble est causé par un traumatisme crânien repéré cette fois-ci dès la naissance.

Et comment reconnaître la dyspraxie ?

C’est l’écriture qui lui pose le plus gros problème. Il se crispe et bloque sa respiration quand il écrit. Et il y met tellement d’énergie et d’attention qu’il ne peut se concentrer sur rien d’autre à ce moment-là. En classe élémentaire, ce n’est pas encore trop grave. Mais dès qu’il devra faire une dictée, ou prendre des notes, ça risque de se corser. Le graphisme de manière générale est très compliqué. La représentation des schémas, des modèles, est un calvaire pour lui. Par exemple, il dessine toujours des "bonhommes patate" en CP. Et Il reproduit plus facilement une figure complexe lorsqu’il l’a mémorisée uniquement, que s’il a le modèle sous les yeux.

L'enfant peut développer des troubles divers :

  • L'enfant peut avoir du mal à se repérer dans l'espace, sur un plan... On appelle cela des troubles visuo-spatiaux.
  • Il peut développer des troubles psychomoteurs.
  • Des troubles oculomoteurs peuvent apparaitre.
  • Il peut avoir du mal à se concentrer, à apprendre de nouveaux gestes, et dans ce cas, on appelle cela des troubles attentionnels.
  • Il peut avoir du mal à faire des jeux de construction et préfère les éviter, avoir des soucis avec les maths et les matières qui demandent d’utiliser plein d'instruments. Dans ce cas on évoque des troubles de l'acquisition de la coordination.
  • On peut déceler des troubles sensitifs.
  • Ou bien une apraxie bucco-linguo faciale : ce mot barbare signifie qu’il peut avoir des soucis d’élocution, du mal à mâcher, à mastiquer, ou à déglutir.

Un "handicap invisible"

C’est à son passage en moyenne section que j’ai été convoquée par sa nouvelle maîtresse, pour évoquer des difficultés à travailler avec ses mains. Elle évoquait principalement un manque de tonus, et pour elle, un trouble ORL. Nous voilà donc partis faire des bilans à tour de bras : ORL, orthophonistes, orthoptistes… mais rien à signaler. C’est finalement le pédiatre qui nous a conseillé de faire un bilan avec une psychomotricienne. Le bilan a été très long et éprouvant pour Henri. D’autant plus qu’il a été réalisé en plein pendant le confinement, dans un contexte déjà particulièrement complexe.

Si ce handicap peut passer inaperçu au début, il arrive souvent que les professeurs soient capables de vous avertir. Ils peuvent déceler certains signes à force de voir l’enfant évoluer en classe et interagir avec les autres. Mais il arrive que ce soit le médecin scolaire ou votre pédiatre qui vous mette la puce à l’oreille. En tous les cas, si vous, qui connaissez mieux que personne votre enfant, décelez certains symptômes, n’ayez crainte de l’évoquer et de demander de l’aide aux experts santé qui vous entourent pour confirmer ou infirmer vos soupçons.

Pour confirmer le diagnostic de la dyspraxie

Après un 1er bilan, 1 an de suivi hebdomadaire et un second bilan, un enchaînement de consultations chez la psychomotricienne, chez la neuropédiatre, à la MDPH… le verdict est tombé : dyspraxie visuo-constructive. Un trouble assez peu connu, dont j’ai du Google le nom pour avoir tous les détails…

Le parcours est bien souvent long. Dans un parcours typique, les parents et l'enfant rencontrent divers spécialistes pour valider ou non le diagnostic :

  • La rencontre avec un neuropédiatre pour déceler des soucis au niveau du système nerveux.
  • La rencontre avec un psychomotricien pour analyser des troubles de la motricité et mettre en place des séances avant même la poursuite du parcours. Le but est d’aider l’enfant le plus tôt possible. Si des soucis de motricité sont décelés, l'enfant va pouvoir les travailler régulièrement avec son psychomotricien.
  • Un pédopsychiatre ou un psychologue.
  • Un orthophoniste pourra faire un bilan du langage et voir si il faut mettre en place des séances de rééducation.
  • L’ergothérapeute, pour mettre en place un bilan des capacités de l'enfant à s'adapter à son environnement.
  • L'ophtalmologue va faire un bilan visuel.
  • Et l’ORL, lui, fera un bilan auditif avec l'enfant.

Les associations qui peuvent vous accompagner

S'adapter aux besoins de l'enfantdyspraxique

Notre chance, c’est qu’Henri est scolarisé dans une école qui pousse au maximum l’inclusion et la prise en charge de la différence. Nous avons monté une équipe pédagogique avec l’école, pour mettre en place toute une série d’aménagements nécessaires pour la suite de sa scolarité :

- Limiter le recours à l’écriture et au coloriage,

- Passer par l’oral,

- Limiter le matériel nécessaire pour ne pas qu’il se "perde" dans la gestion des affaires,

- Ne pas évaluer les dessins/le graphisme,

- Adapter les exercices de coordination en EPS,

Désormais en CP, il devrait sous peu avoir un ordinateur pour remplacer l’écriture, ce qui devrait grandement l’aider. On croise les doigts !

Tout le monde s'adapte et fait en sorte que l'enfant se sente le plus à l’aise, que ce soit à la maison ou à l’école. C’est pour cela qu’on propose aux parents de mettre en place des projets personnalisés de scolarisation pour pallier les difficultés de l'enfant une fois le diagnostic mis en place. Des aides humaines sont possibles, tout comme des aides d'adaptation des enseignements. On appelle cela des AESH. Comme l’explique Célianne, on va privilégier des modes d’enseignements qui permettent de rendre la scolarisation plus agréable (enseignement oral, aménagements des contrôles, réduction de l’écriture avec un ordinateur). Si les aménagements ne sont pas mis en place en totalité, on a recours à un PPS : un plan d’accompagnement personnalisé.